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Dossier thématique

Décrypter le design des technologies numériques.
Un enjeu pour une culture numérique plus réflexive ?

Clément Mabi
Deciphering the Design of Digital Technologies.
A Challenge for a More Reflexive Digital Culture?
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Afin d’accompagner de manière critique le développement du numérique, il nous semble essentiel de contribuer à produire un discours susceptible de rendre compte des relations de pouvoir qui se configurent autour des outils numériques, et qui puisse contribuer à sensibiliser le citoyen à la nécessité de porter un regard réflexif et critique sur son environnement sociotechnique. Pour y parvenir, nous proposons d’ouvrir la « boîte noire » des outils, de considérer de manière critique leurs logiques de conception. Le design des technologies est ici pensé comme le processus de « mise en technologie d’un projet politique » qui diffuse une forme de « gouvernementalité numérique ». En se centrant sur l’analyse concrète des technologies, il s’agit de mettre l’accent sur la manière dont elles orientent, cadrent et configurent les pratiques en définissant des possibilités d’action, qui sont ensuite plus ou moins actualisées dans l’usage.

Introduction

  • 1  Françoise Thibault, « Campus numériques : archéologie d’une initiative ministérielle », Études de (...)
  • 2  Cardon Dominique et Antonio A. Casilli,Qu’est-ce que le digital labor?, Paris, Inathèque, 2015. (...)
  • 3  Pierre Mœglin, Outils et médias éducatifs. Une approche communicationnelle, Grenoble, Presses univ (...)
  • 4  Clément Mabi et Françoise Thibault, « Les politiques du numérique. De la nécessité d’une approche (...)

1Le développement du numérique est souvent considéré comme inéluctable, et porteur de multiples avantages. Il est présenté comme la source d’un renouvellement pour la démocratie qui se verrait « mise à jour », d’une transformation radicale de l’éducation, notamment par le développement des Moocs et d’une variété de formes d’enseignement à distance1, sans parler des nouvelles formes de travail qu’il induit2 ou des mutations des industries culturelles qu’il entraîne3. Pourtant, la grande pluralité des usages et des projets politiques est largement occultée par cet usage d’une étiquette unique, « numérique », qui empêche de penser de manière critique la diversité4. Au fur et à mesure de son développement, les discours d’accompagnement ont largement valorisé le développement d’une « société de l’information », ou d’une « culture numérique », qui ont contribué à naturaliser la colonisation de la société par ces objets techniques, à les considérer comme un « allant de soi », porteur du progrès et source d’innovations sociales, politiques et économiques.

2Les sciences humaines et sociales se retrouvent largement embarquées dans ce mouvement, contribuant à normaliser la technologisation de nos sociétés en multipliant les études centrées sur les questions d’appropriation, qui prennent le numérique comme un « déjà là », inévitable. Nos disciplines elles-mêmes semblent de plus en plus soumises à l’impératif numérique, comme le montre l’engouement récent autour du développement des « humanités numériques », autrement appelées « Digital Humanities ».

  • 5  Evgeny Morozov, Pour tout résoudre, cliquez. L’aberration du solutionnisme technologique, Paris, É (...)
  • 6  Dans cette perspective nous nous situons dans le prolongement des travaux de Françoise Thibault et (...)
  • 7  Fabien Granjon, « Du pragmatisme et des technologies numériques », Hermès, n° 73, 2015, p 219-224. (...)
  • 8  Dominique Cardon, La Démocratie Internet,Paris, Seuil, 2010.

3Si certains dénoncent le développement d’Internet et du numérique comme le triomphe d’un libéralisme impérialiste et prédateur au service d’intérêts privés et de certains gouvernements, notamment états-uniens5, il nous semble essentiel de contribuer à produire un autre discours qui soit en mesure de rendre compte des relations de pouvoir qui se configurent autour des outils numériques, et qui puisse contribuer à sensibiliser le citoyen à la nécessité de porter un regard réflexif et critique sur son environnement sociotechnique. Dans cette perspective, les outils sont considérés comme des objets techniques, introduits dans un environnement social, un champ de forces, qui impacte autant leur développement que les usages qu’ils autorisent6. Cette dimension réflexive nous semble devoir être au cœur d’une « culture numérique » capable de sortir des ornières de l’évidence et qui donne à voir le projet politique dans lequel s’intègrent les technologies. Dans la mesure où le numérique transforme en profondeur le vivre ensemble et la manière de penser l’action collective7, il importe de ne pas laisser la maîtrise de sa conception à « ceux qui savent » et défendent des intérêts fort éloignés de l’idéal de démocratisation du projet initial du réseau8.

  • 9  Romain Badouard, Clément Mabi et Guillaume Sire, « Inciter, contraindre, encadrer. Trois régimes d (...)

4Pour y parvenir, nous proposons d’ouvrir la « boîte noire » des outils, de considérer de manière critique leurs logiques de conception et la manière dont ils cadrent les usages possibles. Notre proposition est de considérer le design des technologies, pensé comme le processus de mise en technologie d’un projet politique qui contribuerait à diffuser une forme de « gouvernementalité numérique9 ». En se centrant sur l’analyse concrète des technologies, il s’agit de mettre l’accent sur leur dimension symbolique, notamment en réfléchissant à la manière dont elles orientent, cadrent et configurent les pratiques en définissant des possibilités d’action, qui sont ensuite plus ou moins actualisées dans l’usage. Des choix techniques étant faits par les concepteurs pour organiser une conception normative de l’action et organiser la relation, quels messages font-il passer ?

5Le pouvoir ne s’exerce pas ici dans la capacité à empêcher l’action, mais dans la manière dont celle-ci va être contrainte, en invitant l’usager à se conformer à la norme prescrite. C’est par exemple le cas des systèmes d’exploitation de la marque Apple qui configurent entièrement la manière dont les usagers peuvent utiliser leur ordinateur (par exemple en obligeant à écouter de la musique uniquement via son application I-tunes de façon à conduire à l’achat d’un maximum de morceaux sur sa boutique en ligne, par exemple). On peut également citer l’exemple de l’application Twitter qui, en limitant l’expression sur le réseau social à 140 caractères, invite l’internaute à partager prioritairement des liens hypertextuels.

  • 10  Akrich Madeleine, « Les utilisateurs, acteurs de l’innovation », Éducation permanente, no 134, 199 (...)

6Ma proposition s’intéresse donc à la manière dont les dispositifs techniques norment l’action, mais elle ne considère pas pour autant l’objet technique comme constitutif à lui seul de l’usage social. En effet, comme l’a montré la sociologie des usages, les « utilisateurs » disposent d’une marge de manœuvre, plus ou moins importante, qui leur permet de plus ou moins modifier le projet initial10.

1. Des outils qui configurent les relations de pouvoir dans un environnement numérique

  • 11  Romain Badouard, Clément Mabi et Guillaume Sire, « Inciter, contraindre, encadrer. Trois régimes d (...)

7L’une des particularités de l’action dans l’environnement numérique est qu’elle permet d’organiser différentes formes de contrôle de l’action et d’organiser les relations de pouvoir. Avec deux collègues, Romain Badouard et Guillaume Sire, nous avons proposé la notion de « gouvernementalité numérique » pour décrire comment, sur Internet, certains acteurs orientent, cadrent et contraignent les comportements d’autres acteurs par le biais de ressources techniques, et dans le but de servir une stratégie préalablement définie. Nous avons nommé ces trois formes en fonction des types d’emprise de celui qui gouverne sur les conduites de ceux qui sont gouvernés : inciter, contraindre, encadrer11. Parler des formes d’exercice du pouvoir dans des environnements numériques ne doit donc pas être compris comme la domination anonyme de « machines » sur des « humains », mais bien comme un pouvoir qui s’exerce entre individus, ou entre groupes d’individus, par la médiation d’outils, de ressources et de dispositifs numériques, configurés pour « faire agir » leurs usagers d’une certaine façon.

  • 12  Bruno Bachimont, Le sens de la technique : le numérique et le calcul, Paris, Les belles lettres, « (...)

8Internet constitue, comme toute technique, « une mise en tension entre la volonté d’élargir le champ des possibles et la tentation de réduire l’environnement à n’être qu’un milieu conditionné12». C’est pourquoi il convient d’interroger les relations de pouvoir en considérant que les possibles ne vont pas sans contraintes et que les intentions de communication sont « balisées » dans l’écosystème numérique, d’une part par les possibilités propres au code, aux logiciels, aux infrastructures et au design des outils, et d’autre part étant donné l’espace dans lequel l’individu se trouve, le savoir‑faire de cet individu, ses schémas d’interprétation, les choix effectués par les concepteurs des outils qu’il utilise, les lois en vigueur et les stratégies économiques par lesquelles l’individu est concerné. Pour le dire autrement, en fonction du contexte sociotechnique d’énonciation, le sens des énoncés produit est différent, et le contrôle de cet environnement constitue donc un enjeu de pouvoir important. Notre perspective n’est pourtant pas déterministe. Des négociations sont possibles, ainsi que des détours, des réappropriations, des fuites. Tous les acteurs n’ont pas la même capacité d’exercer un « pouvoir faire » et un « pouvoir de faire faire », mais tous jouissent d’une marge de manœuvre qui, même infime, peut changer le cours des processus qui les concernent.

  • 13  Michel Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au collège de France, 1977-1978, Paris, G (...)
  • 14  Michel Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au collège de France, 1977-1978, Paris, G (...)

9Le recours à la notion de gouvernementalité fait référence aux travaux de Michel Foucault consacrés aux formes d’exercice du pouvoir. Celui-ci résiderait dans la capacité d’un individu à influencer le comportement d’un autre individu sans avoir recours à la force. Selon le philosophe, l’évolution des logiques et des formes d’exercice du pouvoir étatique peut notamment se lire à travers les instruments mobilisés par des autorités publiques pour réguler le comportement de populations présentes sur leur territoire13. Le pouvoir peut ainsi se révéler « encapacitant » : il s’agit moins d’interdire certaines actions, que d’en autoriser d’autres, et de configurer les modalités de leur réalisation (autoriser à ce qu’une action se déroule d’une certaine manière). Certains acteurs ont le pouvoir « de disposer des choses, c’est-à-dire d’utiliser plutôt des tactiques que des lois, ou d’utiliser au maximum des lois comme des tactiques ; faire en sorte, par un certain nombre de moyens, que telle ou telle fin puisse être atteinte14 ».

  • 15  Roland Barthes, Mythologies, Paris, Seuil, 1970.
  • 16  Michel Foucault, Surveiller et punir, naissance de la prison (1975), Paris, Gallimard, « Tel », 19 (...)
  • 17  Yves Cohen, « Foucault déplace les sciences sociales. La gouvernementalité et l’histoire du xxe si (...)
  • 18  Yann Moulier-Boutang, Le capitalisme Cognitif, Paris, Amsterdam, 2007.

10Lorsque nous utilisons cette notion de gouvernementalité, dont Roland Barthes disait avec humour qu’il s’agissait d’un « néologisme barbare mais incontournable15 », nous nous plaçons dans une perspective selon laquelle le pouvoir s’exerce plutôt qu’il ne se possède, et ne s’applique pas, « purement et simplement, comme une obligation ou une interdiction, à ceux qui ne l’ont pas ; il les investit, passe par eux et à travers eux16 ». La notion a ainsi l’avantage de permettre « de penser la multiplicité des formes de pouvoir qui agissent en concomitance, en interaction, en coopération ou en concurrence, gagnant ou perdant les unes sur les autres17 ». Nous faisons ici l’hypothèse que dans un environnement numérique, spécifiquement sur le web, le concept connaît des développements particuliers. Si l’architecture du réseau est basée sur l’interaction et la contribution de la multitude propice à un renforcement de l’horizontalité, elle reste caractérisée par de fortes inégalités entre acteurs qui renforcent des relations de domination socio-économiques18.

  • 19  Yochai Benkler, « Degrees of freedom, dimensions of power », Daedelus, vol. 145, no 1, 2016, p. 18 (...)

11L’organisation technique du dispositif joue un rôle dans ces mécanismes de domination. La métaphore de la toile ne doit pas laisser penser à une circulation des contenus et des individus qui soit fluide et sans contrainte, où les internautes seraient simplement guidés par leurs choix rationnels. En effet, le web est un réseau, une toile, qui se structure autour de « points de contrôle19 » qui régulent le comportement des internautes en organisant cette circulation. Certains acteurs, ceux qui contrôlent ces points de passage, sont donc en position de domination sur ceux qui se retrouvent obligés de lesemprunter. Penser en terme de « gouvernementalité » permet d’interroger la manière dont ces points de contrôle, considérés comme des dispositifs sociotechniques, influent plus ou moins sur les relations de pouvoir en configurant les interactions possibles entre acteurs. Sur le web, les formes du pouvoir sont variées dans la mesure où elles s’inscrivent directement dans l’environnement technique dans lequel l’action se déroule. Les trois manifestations de gouvernementalité que nous distinguons permettent d’analyser une grande variété d’actions (fixer l’attention, produire du contenu, le partager…) et ont pour ambition d’ordonner cette diversité en la rattachant à de grandes questions de gouvernement. Comment saisir la « conduite des conduites » sur le web ?

  • 20  Julia Bonaccorsi, « Approches sémiologiques du web », in Barats Christine (dir.), Analyser le web (...)
  • 21  Guillaume Sire, Google et la production journalistique, Thèse en sciences de l’information et de l (...)

12La première forme de gouvernementalité s’exerce par « incitations ». Nous proposons quant à nous de donner une définition communicationnelle à l’incitation, pour décrire la manière dont, dans les environnements numériques, les actions sont orientées. Sur Internet, on incite (éventuellement) les autres et l’on est soi-même (forcément) soumis à certaines incitations, à l’instar des publicités en ligne et des invitations à réaliser une action (à l’image des nombreuses injonctions à l’action que contiennent les sites20). Dans cette première forme, le pouvoir passe par la capacité de prévision et de calcul des acteurs qui doivent anticiper les actions des autres pour parvenir à leurs fins. En revanche la marge d’action, de remise en question du cadre, reste relativement importante : inciter ne suffit pas à faire réaliser une action à un internaute, qui peut toujours décider de cliquer ailleurs… Le travail de Guillaume Sire21 sur la relation entre Google et les éditeurs de presse illustre bien ce type d’interaction : afin d’être bien référencés par le moteur de recherche, les éditeurs doivent se plier à un certain nombre de consignes qui leur assurent la meilleure place possible, sans certitude d’être le premier. C’est donc un jeu d’incitation qui s’opère : jusqu’où doit-on respecter les règles pour réussir ? Cette logique, qui se rapproche de la théorie des jeux, est au cœur du développement libéral du web : ceux qui ont le « pouvoir de » donnent des indications aux différents acteurs qui « cherchent à faire », de manière à entretenir la concurrence et pousser chacun à aller au delà des consignes pour devancer ses concurrents.

  • 22  Dominique Cardon, A quoi rêvent les algorithmes ?, Paris, Seuil, 2015.
  • 23  Antoinette Rouvroy et Thomas Berns, « Gouvernementalité algorithmique et perspectives d'émancipati (...)

13L’un des secrets de cette méthode sur le web réside dans les algorithmes que préservent précieusement les acteurs, notamment les GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple). En effet, en se basant sur ces calculateurs puissants et mobilisant de grandes masses de données, ces groupes proposent des services toujours plus personnalisés aux clients et déterminent de nombreuses relations d’autorité sur le web22. D’autres travaux ont par ailleurs montré que ces calculateurs projettent une représentation statistique du social sur lequel nous n’avons plus prise et qui tendent à « conduire nos conduites » en altérant la représentation que le corps social se fait de lui-même23.

  • 24  Yves Jeanneret et Cécile Tardy, L’Écriture des médias informatisés. Espaces de pratiques, Paris, H (...)
  • 25  Madeleine Akrich, « Les utilisateurs, acteurs de l’innovation », Éducation permanente, no 134, 199 (...)

14La seconde forme de gouvernementalité est celle de « la contrainte », également très répandue sur le web. Dans un environnement numérique, contraindre un comportement revient souvent à paramétrer une possibilité d’action : pour qu’une technologie contraigne un comportement, elle doit d’abord le rendre possible, puis lui appliquer un mode opératoire, pour que l’action se réalise d’une certaine façon. La contrainte ne doit donc pas être perçue comme un interdit, mais davantage comme une canalisation de l’action, comme une forme d’encapacitation. L’exercice du pouvoir se joue alors dans la manière de concevoir l’outil par lequel l’action se réalise : un concepteur de logiciel par exemple, exerce un pouvoir à travers le paramétrage du logiciel, qui détermine en partie la forme que pourra prendre l’action de l’usager qui se saisit du logiciel. Nous n’écrivons pas de la même manière selon que nous utilisons un logiciel de traitement de texte, un logiciel de présentation ou un tableur, tout simplement parce que les capacités d’écriture qui nous sont offertes sont paramétrées de manières différentes. C’est l’exemple classique du PowerPoint qui propose une forme d’écriture « sous modèle24 ». Dans cette forme de gouvernementalité, l’objet technique proposé dispose d’un « script25 » qui vient contraindre l’usage prescrit par sa configuration. Il s’agit moins d’orienter l’action que de la localiser, la modérer et organiser sa configuration, à l’instar des berges d’un cours d’eau. Alors qu’un individu incité peut décider d’ignorer les incitations, l’individu contraint, lui, ne peut pas ignorer les contraintes. Ainsi, les contraintes, à l’inverse des incitations, ne dépendent pas de son interprétation. Ce sont des règles du jeu fixées indépendamment du joueur et a priori de son action, qui n’aura pas d’autre choix que de composer avec elles, ou de quitter le jeu définitivement.

15La troisième forme de gouvernementalité identifiée est celle de « l’encadrement ». Contrairement à l’approche par la contrainte, qui passe par la manipulation d’outils pour produire un ajustement des comportements, cette forme de gouvernementalité vise à définir des normes d’action qui ne dépendent pas des compétences ou de l’équipement de ceux dont les conduites sont encadrées. Pour le dire autrement, il ne s’agit pas de proposer des modalités d’action au sein d’un environnement numérique préexistant, mais de produire un environnement numérique à part entière, qui disposera de ses propres codes, de ses propres standards, de ses propres normes. Les systèmes d’exploitation constituent une bonne illustration de cette forme de gouvernementalité numérique. Un système d’exploitation n’est pas un logiciel que l’on manipule, mais un environnement qui règle la manière dont un usager interagit avec un logiciel et consulte des contenus, via une interface qui apparaît sur l’écran d’un terminal. Windows 8, Mac OS X ou encore Ubuntu (Linux) sont des systèmes d’exploitation. Ils fixent les modalités d’action et d’interaction au sein de ces environnements : sur Windows, sur Mac ou sur Linux, un usager disposera de différentes possibilités de consultation et de manipulation des fichiers et des programmes.

  • 26  Benjamin G. Thierry, Donner à voir, permettre d’agir. L’invention de l’interactivité graphique et (...)
  • 27  Mathieu Triclot, Philosophie des jeux vidéo, Paris, La Découverte, 2011.

16Ces trois systèmes d’exploitation reposent cependant sur des interfaces similaires, qui articulent trois éléments centraux : les icônes, qui représentent des programmes ou des dossiers de fichiers, les fenêtres, par lesquelles les usagers accèdent à ces programmes ou à ces fichiers, et le pointeur, la souris, qui permettent d’agir sur les icônes et les fenêtres au sein de ces environnements. Ces trois éléments constituent des cadres d’action, dans la mesure où ils gouvernent la conception des possibles au sein de l’environnement numérique délimité par un système d’exploitation. Ce que je peux faire et ce que je peux voir face à un écran d’ordinateur ne peut que difficilement sortir du cadre de la manipulation d’une souris, du visionnage par une fenêtre, et de l’organisation par des icônes. Ces trois éléments ne sont pourtant pas « naturels » et correspondent à une certaine conception graphique des environnements numériques, promue par Apple lors de l’essor de l’informatique domestique, et qui a dominé le marché de l’informatique à partir des années 198026. On retrouve en grande partie cette logique dans le monde des jeux vidéos27, où le concepteur contrôle entièrement l’environnement dans lequel le joueur évolue. Les concepteurs font des choix qui ont une dimension politique. C’est par exemple le cas de jeux célèbres comme le simulateur Sim City, qui en permettant à l’utilisateur de bâtir sa ville idéale crée un rapport particulier à l’environnement, en rendant les ressources naturelles illimitées et en ne proposant pas de modèle de développement favorisant la mixité sociale et encore moins la mise en place de modèles économiques alternatifs (à l’instar de la décroissance ou de l’économie collaborative).

2. Approcher les applications numériques par le design des dispositifs

  • 28  Laurence Monnoyer-Smith, « Le web comme dispositif : comment appréhender le complexe ? », in Chris (...)
  • 29  Clément Mabi, « Analyser les dispositifs participatifs par leur design », in Barats Christine (dir (...)

17Ces différentes manières de penser le pouvoir dans un environnement numérique mettent en avant le rôle des médiations techniques qui rendent possible la relation entre différentes catégories d’acteurs, celui qui « fait faire » et celui qui agit. Afin d’analyser les logiques de déploiement de ces relations, nous considérons la matérialité des espaces de médiation, en les traitant comme des artefacts sociotechniques résultant d’un processus complexe. Ce processus implique une diversité d’acteurs, avec des objectifs stratégiques différents qui conduisent l’objet à incarner un projet particulier. Aussi, nous proposons de considérer l’objet comme un « dispositif » afin de lui redonner sa dimension politique et de capter la manière dont il organise les relations de pouvoir28. Ces dispositifs sont ensuite analysés par leur design afin de rendre compte de la manière dont la matérialité de l’objet rend compte des ambitions des créateurs29.

  • 30  Pour plus d’informations sur ce concept, voir Emmanuël Souchier, Yves Jeanneret et Joëlle Le Marec (...)
  • 31  Romain Badouard, « La mise en technologie des projets politiques. Une approche ”orientée design” d (...)

18Pour le chercheur, cette approche consiste à questionner les choix techniques effectués pour faire ressortir leur dimension symbolique : que nous apprennent-ils de la mission qui leur a été confiée à l’origine ? La conception du design proposée ne se limite pas à l’analyse des interfaces et de leurs contraintes de l’action en tant qu’ « architextes30 », mais invite à mettre l’accent sur le projet politique qui a rendu possible ce projet. Cette entrée permet de prendre en compte la matérialité des dispositifs, en partant du choix des formats d’expression jusqu’à l’analyse de la dimension symbolique du code informatique, faisant ainsi ressortir la fonction sociale des objets techniques et les modèles politiques qu’ils rendent accessibles. L’approche par le design doit permettre de capter les intentions des concepteurs et d’observer « la mise en technologie d’un projet politique31 ». Autrement dit, il s’agit de capter le processus de traduction des stratégies des concepteurs dans un artefact technique.

19Bruno Latour parle de « programme d’action » pour décrire les projections sociales dans un objet technique, afin d’identifier ce que souhaitent « faire faire » les concepteurs aux usagers en organisant la manière dont l’action va être rendue possible. En autorisant certaines formes de communication en ligne plus que d’autres, la technique rend tangible un modèle particulier, en venant contraindre les pratiques des publics. Avec les outils numériques, cette dimension est d’autant plus importante que la technique norme entièrement les interactions, comme nous l’évoquions précédemment. Penser les relations de pouvoir en termes de gestion de la contrainte est spécifique aux technologies numériques qui orientent, cadrent et configurent les pratiques.

20L’objectif est bien de penser l’insertion de la technique dans un contexte complexe – une sorte de champ de forces – qui contribue à donner une réalité au numérique pour les acteurs. Afin de réussir à objectiver ce phénomène plus avant et à le circonscrire à un observable, le concept foucaldien de « dispositif » est central. En transformant l’artefact en un objet de recherche qui prend en compte sa dimension symbolique, il permet de donner une cohérence à une réalité complexe, à des éléments parfois sans liens apparents.

  • 32  Michel Foucault, Surveiller et punir, naissance de la prison (1975), Paris, Gallimard, « Tel », 19 (...)

Ce que j’essaye de repérer sous ce nom [cest-à-dire dispositif], c’est [...] premièrement, un ensemble résolument hétérogène, comportant des discours, des institutions, des aménagements d’architectures, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques, bref : du dit, aussi bien que du non-dit, voilà les éléments du dispositif. Le dispositif lui-même, c’est le réseau qu’on peut établir entre ces éléments32.

  • 33  Voir, sur la définition de ces trois éléments, Philippe Ortel, Discours, image, dispositif :penser (...)
  • 34  Gilles Deleuze, Foucault, Paris, Éditions de Minuit, 1986.

21Le dispositif comprend donc à la fois une dimension technique, dans le sens où il fournit des formats d’expression ; pragmatique, dans le sens où il comprend les interactions qu’il autorise ; et enfin symbolique, dans la mesure où il comprend un ensemble de significations dégageant différentes portées axiologiques33. Enrichie par l’apport de Gilles Deleuze34, qui insiste sur les « fuites » du dispositif, cette approche permet d’étudier la capacité des sujets, inscrits dans des rapports de pouvoir, à dépasser le dispositif et à mobiliser leurs ressources pour le transformer et en créer un nouveau. Dans cette conception deleuzienne, le pouvoir n’est pas un horizon indépassable, et des sorties du dispositif sont possibles.

3. Pour une culture numérique réflexive

22Avoir conscience du rôle de ces médiations sur la manière dont se construit notre rapport au numérique nous paraît être un élément essentiel pour réussir à imaginer une culture numérique qui soit suffisamment réflexive pour permettre aux citoyens de prendre conscience des contraintes qui pèsent sur leurs actions en ligne. Dans cette optique, il convient de se donner les moyens de décrypter le fonctionnement des technologies numériques, d’analyser le message qu’elles cherchent à faire passer. Pour y parvenir, nous proposons d’opérationnaliser l’analyse du design des applications numériques en invitant le public à porter attention à un certain nombre de points quand il est confronté à une application, telle qu’un site web.

  • 35  Romain Badouard et Clément Mabi, « L'apprentissage du numérique théorique. Un levier pour les prat (...)

231. Les outils qui permettent de produire du contenu : à travers eux, les concepteurs rendent possibles certaines actions et, ce faisant, les cadrent et les orientent. Elles incarnent la « capacité d’agir » d’un usager, et ont principalement trait à la production de contenus, à leur modification35. Les choix en termes de ressources techniques disponibles pour l’action permettent de rendre compte de la nature de la relation que souhaitent nouer les concepteurs avec les utilisateurs.

242. Le rubricage de la plateforme et l’organisation du contenu, c’est-à-dire la manière dont sont agencées les rubriques et dont elles construisent les parcours de navigation afin d’orienter les internautes vers certaines informations ou activités. Quels contenus sont valorisés ? Il s’agit d’étudier comment est pensée la consultation du site par les concepteurs et les stratégies de mise en visibilité qu’ils déploient.

253. Les outils qui permettent aux internautes d’interagir entre eux, c’est-à-dire la manière dont sont conçues les possibilités d’échange sur les sites (forums, commentaires, soutien par un clic, etc.). Comment est rendu possible techniquement l’échange entre internautes ? Ce critère nous permet d’envisager la manière dont les concepteurs ont pensé a priori les conditions pour la création d’une communauté autour de la plateforme.

264. Les modalités d’intervention des concepteurs. Ce critère invite à regarder, au-delà de la technique, les ressources éditoriales (à l’instar des politiques de modérations) mobilisées par les webmasters. Il s’agit d’appréhender les modalités de gestion et d’animation des publics par les concepteurs du site, et le rapport qu’entretiennent les usagers à une autorité désignée.

275. Les formes d’adresse au public, c’est-à-dire les textes et images qui présentent la plateforme et ses usages, et en proposent une certaine acception. La dimension éditoriale des ressources est là encore importante : les images, les logos, les phrases et les mots qui incitent à passer à l’action sont autant de ressources pour rendre compte de la manière dont unecertaine conception de l’implication est proposée.

28L’objectif de cette grille est de favoriser une prise de conscience sur la dimension socialement construite des outils à disposition, et de « redonner une place » aux concepteurs derrière les objets techniques. Ces derniers se trouvent replacés dans une conception des relations de pouvoir « matérialiste », où le support influe sur la construction du sens et offre des cadres pour l’appropriation des contenus.

Conclusion

29Dans un environnement numérique, la manière dont les relations de pouvoir se nouent est originale. Le contexte et les modalités de l’action sont entièrement normés par la technique, qui « fait agir » l’utilisateur, d’une certaine manière, en fonction du projet du concepteur de l’application numérique. Nous avons ensuite tenté d’identifier différentes formes d’organisation de l’action qui viendraient former un nouveau régime de gouvernementalité, propre au numérique.

30Il nous semble que ces trois registres peuvent être opérationnalisés dans une grille d’analyse pour décrypter le fonctionnement des technologies et en construire une lecture critique et réflexive. Pour y parvenir, cet article a proposé une méthode innovante pour analyser le design des applications numériques, considérées comme des dispositifs, qui permet de faire parler leur matérialité et de redonner sa dimension symbolique et politique au code informatique. Dans cette optique, les choix techniques reflètent des ambitions politiques des concepteurs.

31L’objectif de notre démarche est également d’ouvrir des pistes pour que les citoyens puissent se réapproprier de manière critique le concept de « culture numérique » et lui adjoindre une importante dimension réflexive. Il s’agit de permettre aux usagers de comprendre le fonctionnement de leur environnement, de percevoir là où se négocient les relations de pouvoir et de prendre conscience de leur existence et de la manière dont elles se nouent. Ce travail de décryptage demande de permettre aux utilisateurs d’« ouvrir la boîte noire du numérique », pour être capable de comprendre les logiques qui président à son fonctionnement. Sans laisser penser que nous pourrions tous devenir des hackers chevronnés, maîtrisant le code informatique comme des informaticiens, cette approche cherche à former des citoyens alertes, conscients des possibles et des limites, ouverts par l’usage de la technique. On le voit, les enjeux sont autant scientifiques que citoyens.

Akrich Madeleine, « Les utilisateurs, acteurs de l’innovation », Éducation permanente, no 134, 1998, p. 79-89.

Bachimont Bruno, Le Sens de la technique : le numérique et le calcul, Paris, Les belles lettres, « Encre marine », 2010.

Badouard Romain, Mabi Clément et Sire Guillaume, « Inciter, contraindre, encadrer. Trois régimes de gouvernementalité numérique », Draft paper présenté dans le séminaire du réseau DEL, 12 février 2015.

Badouard Romain et Mabi Clément, « L’apprentissage du numérique théorique. Un levier pour les pratiques politiques en ligne ? », Actes du 9e séminaire M@arsouin, Paris, L’Harmattan,2012, p. 313-325.

Badouard Romain, « La mise en technologie des projets politiques. Une approche “orientée design” de la participation en ligne », Participations, no 1 (2014), p. 31-54.

Barthes Roland, Mythologies, Paris, Seuil, 1970.

Benkler Yochai, « Degrees of freedom, dimensions of power », Daedelus, vol. 145, no 1, 2016, p. 18-32.

Rouvroy Antoinette et Berns Thomas, « Gouvernementalité algorithmique et perspectives d’émancipation : le disparate comme condition d’individuation par la relation », Réseaux,vol. 31, no 177 (2013),p. 163-196.

Bonaccorsi Julia, « Approches sémiologiques du web », in Barats Christine (dir.), Analyser le web en Sciences humaines et sociales, Paris, Armand Colin, 2013, p. 125-141.

Cardon Dominique, A quoi rêvent les algorithmes ?, Paris, Seuil, 2015.

Cardon Dominique et Casilli Antonio A., Qu’est ce que le digital labor ?, Paris, Inathèque, 2015.

Cardon Dominique, « Dans l’esprit du PageRank. Une enquête sur l’algorithme de Google », Réseaux, 1, n° 177 (2013), p. 63-95.

Cardon Dominique, La Démocratie Internet,Paris, Seuil, 2010.

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Triclot Mathieu, Philosophie des jeux vidéo, Paris, La Découverte, 2011.

1  Françoise Thibault, « Campus numériques : archéologie d’une initiative ministérielle », Études de communication, numéro spécial (« L’intégration du numérique dans les formations du supérieur »), 2007, p. 17-48.

2  Cardon Dominique et Antonio A. Casilli,Qu’est-ce que le digital labor?, Paris, Inathèque, 2015.

3  Pierre Mœglin, Outils et médias éducatifs. Une approche communicationnelle, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2005.

4  Clément Mabi et Françoise Thibault, « Les politiques du numérique. De la nécessité d’une approche critique », Socio, n° 4, 2015, p. 89-103.

5  Evgeny Morozov, Pour tout résoudre, cliquez. L’aberration du solutionnisme technologique, Paris, Éditions FYP, 2014.

6  Dans cette perspective nous nous situons dans le prolongement des travaux de Françoise Thibault et du programme Vox internet, piloté par Françoise Massit Folléa, qui avait pour objectif d’étudier la gouvernance de l’Internet en considérant l’épaisseur sociopolitique de la gestion des technologies.

7  Fabien Granjon, « Du pragmatisme et des technologies numériques », Hermès, n° 73, 2015, p 219-224.

8  Dominique Cardon, La Démocratie Internet,Paris, Seuil, 2010.

9  Romain Badouard, Clément Mabi et Guillaume Sire, « Inciter, contraindre, encadrer. Trois régimes de gouvernementalité numérique », Draft paper présenté dans le séminaire du réseau DEL, 12 février 2015.

10  Akrich Madeleine, « Les utilisateurs, acteurs de l’innovation », Éducation permanente, no 134, 1998, p. 79-89.

11  Romain Badouard, Clément Mabi et Guillaume Sire, « Inciter, contraindre, encadrer. Trois régimes de gouvernementalité numérique », Draft paper présenté dans le séminaire du réseau DEL, 12 février 2015.

12  Bruno Bachimont, Le sens de la technique : le numérique et le calcul, Paris, Les belles lettres, « Encre marine », 2010, p. 175.

13  Michel Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au collège de France, 1977-1978, Paris, Gallimard/Seuil, 2004.

14  Michel Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au collège de France, 1977-1978, Paris, Gallimard/Seuil, 2004, p. 103.

15  Roland Barthes, Mythologies, Paris, Seuil, 1970.

16  Michel Foucault, Surveiller et punir, naissance de la prison (1975), Paris, Gallimard, « Tel », 1993. p. 35.

17  Yves Cohen, « Foucault déplace les sciences sociales. La gouvernementalité et l’histoire du xxe siècle », in Pascale Laborier et al. (dir.), Les sciences camérales : activités pratiques et histoire des dispositifs publics, Paris, PUF, 2011, p. 73.

18  Yann Moulier-Boutang, Le capitalisme Cognitif, Paris, Amsterdam, 2007.

19  Yochai Benkler, « Degrees of freedom, dimensions of power », Daedelus, vol. 145, no 1, 2016, p. 18-32.

20  Julia Bonaccorsi, « Approches sémiologiques du web », in Barats Christine (dir.), Analyser le web en Sciences humaines et sociales, Paris, Armand Colin, 2013, p. 125-141.

21  Guillaume Sire, Google et la production journalistique, Thèse en sciences de l’information et de la communication, Université Paris 2-Panthéon Assas, 2013.

22  Dominique Cardon, A quoi rêvent les algorithmes ?, Paris, Seuil, 2015.

23  Antoinette Rouvroy et Thomas Berns, « Gouvernementalité algorithmique et perspectives d'émancipation : le disparate comme condition d'individuation par la relation », Réseaux,vol. 31, no 177, 2013,p. 163-196.

24  Yves Jeanneret et Cécile Tardy, L’Écriture des médias informatisés. Espaces de pratiques, Paris, Hermès-Lavoisier, 2007.

25  Madeleine Akrich, « Les utilisateurs, acteurs de l’innovation », Éducation permanente, no 134, 1998, p. 79-89.

26  Benjamin G. Thierry, Donner à voir, permettre d’agir. L’invention de l’interactivité graphique et du concept d’utilisateur en informatique et en télécommunications en France (1961-1990), Thèse d’histoire contemporaine, Université Paris-Sorbonne-Paris IV, 2013.

27  Mathieu Triclot, Philosophie des jeux vidéo, Paris, La Découverte, 2011.

28  Laurence Monnoyer-Smith, « Le web comme dispositif : comment appréhender le complexe ? », in Christine Barats (dir.), Analyser le web en Sciences humaines et sociales, Paris, Armand Colin, 2013, p. 13-33.

29  Clément Mabi, « Analyser les dispositifs participatifs par leur design », in Barats Christine (dir.), Analyser le web en Sciences humaines et sociales, deuxième édition, Paris, Armand Colin, 2015, p. 33-37

30  Pour plus d’informations sur ce concept, voir Emmanuël Souchier, Yves Jeanneret et Joëlle Le Marec (dir.), Lire, écrire, récrire, Paris, Bibliothèque publique d’information, 2003.

31  Romain Badouard, « La mise en technologie des projets politiques. Une approche ”orientée design” de la participation en ligne », Participations, no 1, 2014, p. 31-54.

32  Michel Foucault, Surveiller et punir, naissance de la prison (1975), Paris, Gallimard, « Tel », 1993, p. 63.

33  Voir, sur la définition de ces trois éléments, Philippe Ortel, Discours, image, dispositif :penser la représentation (volume 2, Paris, L’Harmattan, 2008), qui interroge les rapports entre art et dispositif et dont l’introduction propose une généalogie complète des débats autour de la conceptualisation du terme de « dispositif ».

34  Gilles Deleuze, Foucault, Paris, Éditions de Minuit, 1986.

35  Romain Badouard et Clément Mabi, « L'apprentissage du numérique théorique. Un levier pour les pratiques politiques en ligne ? », L’Harmattan, Actes du 9e séminaire M@rsouin, 2012, p. 313-325.

Clément Mabi, « Décrypter le design des technologies numériques.
Un enjeu pour une culture numérique plus réflexive ? », Hybrid [], 03 | 2016, 01 décembre 2016, 02 juin 2023. URL : http://www.hybrid.univ-paris8.fr/lodel/index.php?id=634

Clément Mabi

Clément Mabi est maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Technologie de Compiègne (UTC) et membre du laboratoire Costech. Ses recherches actuelles portent sur les usages politiques du numérique et les relations entre innovations technologiques et démocratie.